Avant d’être le moulin du village, cet espace a d’abord été l’emplacement du « château » seigneurial ou plutôt d’une « maison forte, avec ses fossés, écu[1]ries et dépendances, située … en bordure du communal » citée en 1608, alors qu’en 1709, on parle d’« un vieux château … ruiné pendant les anciennes guerres… entouré de fossé… plus un moulin …proche ledit château. » Il semblerait que ce château se soit situé plutôt à l’emplacement de l’actuel hangar agricole de la ferme mais aucune trace apparente ne subsiste, pas plus que d’indications sur les plans d’archives Les seigneurs successifs de Fontenelle aux XVII° et XVIII° siècles n’ont jamais résidé dans leur propriété. Tout au plus, y faisaient ils de courts passages pour venir sur place régler un litige ou faire un contrôle. Les bâtiments et les terres sont occupés et exploités par des fermiers à bail emphytéotique qui leur donne quasiment un droit de propriété de fait. Ainsi on peut suivre l’histoire de plusieurs familles qui ont été à la fois laboureurs et meuniers : celle de Jean Thiébaud ROY, originaire de Lacollonge († 1725), celle de Pierre BERTIN († 1745) de Bessoncourt qui occupe le moulin avant de construire sa propre maison (actuelle maison DIE[1]BOLD).
Le moulin au XIX° siècle :
Mais celui qui nous intéresse est Jean Baptiste MENETRE (1748-1823) de Pérouse qui marie en 1774 une fille ROY de Fontenelle. C’est lui en fait qui reprendra quasiment l’en[1]semble de l’exploitation au moment de la disparition des domaines seigneuriaux et rachètera plusieurs parcelles à la vente des biens nationaux. En 1829, l’exploitation compte plus de 28 hectares, ce qui, pour l’époque, est remarquable car les autres paysans du village vivaient avec souvent moins de 10 hectares, voire 2 ou 3. Il est le premier maire républicain de Fontenelle en 1792. Sa femme Catherine meurt en 1826 après avoir donné naissance à huit enfants dont deux seuls survivront à l’âge adulte. Seul garçon survivant, François (1784-1861) reprend la conduite de l’exploitation et du moulin. Il reconstruit entièrement le corps de logis en 1827 et lui donne son aspect actuel. L’état des lieux en ce début de XIX° siècle est cependant assez différent de l’actuel. Les deux piliers du portail d’entrée sont encore là mais plus à leur emplacement d’origine. A la place du jardin, si cher à Mme NEUENSCHWANDER, on avait alors un verger communal placé en contre-bas du corps de logis. Le jardin de la maison était situé à l’endroit des hangars ouest actuels et longeait l’étang qui n’occupait alors que 17 ares. Le canal d’ame[1]née du moulin était bien séparé de l’étang et ne le traversait pas comme aujourd’hui. On ne possède aucun document sur l’activité de minoterie mais il reste une des deux pierres du moulin (l’autre a été cassée pendant le transport) récupérée en 1968 par Mr DIL[1]HAN.
François MENETRE reste célibataire et embauche un ou plusieurs domestiques, en général des jeunes gens avant leur majorité. Au début des années 1850, il accueille Joseph MEYER qui travaille d’abord comme domestique puis, ayant gagné la confiance de son maître, devient fermier puis meunier. Cette période semble la plus active pour le moulin. Deux ou trois domestiques travaillent en permanence avec le couple MEYER-ROY. Après la mort de François MENETRE (1861), un différend éclate avec la famille MONNIER, seuls héritiers du meunier. Le moulin cesse son activité au début du XX° siècle. La chute d’eau sera un temps utilisée pour produire de l’électricité. Il ne reste que l’activité agricole pour ce que l’on va désormais appeler « la ferme », par contraste avec les autres paysans qui sont tous des propriétaires[1]exploitants…
La ferme au XX° siècle :
La propriété passe des héritiers MONNIER à Adolphe LEHMANN en 1920 (?) puis à la famille NEUENSCHWANDER en 1957. Plusieurs fermiers vont se succéder pendant une soixantaine d’années. Il s’agit essentiellement de familles alsaciennes ou suisses : OBRIST, HOFFMANN, RUCHTI.
L’exploitation agricole, sous l’influence des fermiers suisses, se spécialise dans l’élevage laitier et témoigne souvent d’innovations : ainsi l’utilisation des « perroquets » pour le séchage du foin dans les près, sortes de trépieds qui favorisaient la circulation de l’air et gardaient les qualité de l’herbe.
L’évolution générale de l’agriculture se répercute sur celle des bâtiments : on voit apparaître les hangars métalliques pour le matériel et les récoltes, les tours-silos. Le remembrement parcellaire (1968) valorisera l’exploitation par un regroupement des terres autour des installations.
Cette seconde moitié de siècle consacre le paradoxe social de cette maison et de ses occupants (familles RUCHTI et NEUENSCHWANDER). Alors qu’ils sont les principaux acteurs de la vie rurale du village, ils sont écartés de toutes les décisions municipales du fait de leur nationalité !
Cette neutralité, mais surtout la qualité de leur accueil et de leur générosité ont fait de cette maison un espace de rencontre, de convivialité que plusieurs générations de Fontenellois et de Fontenelloises ont apprécié. Il y a comme une continuité souriante entre les airs d’accordéon de Fredo RUCHTI et les échos de folklore suisse d’Erwin NEUENSCHWANDER !